Prospective Situation difficile pour l’Algérie entre 2017 et 2025
Le PDG de Sonatrach parle de 100 milliards de dollars d’investissement dans l’amont, le ministre de l’Énergie parle de 100 milliards de dollars dans les énergies renouvelables, le ministre des Travaux publics avance 60 milliards de dollars dans les infrastructures, le PDG de Sonelgaz cite 36 milliards de dollars pour éviter le délestage, le ministre de l’Habitat parle de plusieurs dizaines de milliards pour 2 à 3 millions de logements et sans compter les autres secteurs. Mais où trouver ces centaines de milliards de dollars en cas de fléchissement du cours des hydrocarbures ?
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Prospective Situation difficile pour l’Algérie entre 2017 et 2025
La majorité des candidats à l’élection présidentielle versent dans des discours démagogiques, des idées générales irréalisables, ignorant ou voulant ignorer tant la transformation d’un monde en crise que les mutations locales sociales et économiques irréversibles. Entre 2017 et 2025, la population sera face à une situation difficile avec des ajustements économiques et sociaux douloureux.
Un langage de la vérité s’impose aux Algériens : la crise mondiale sera de longue durée. La population algérienne aura à vivre une situation très difficile, loin de l’euphorie des années 2000/2014.
De la nécessité d’un discours de vérité
Le PDG de Sonatrach parle de 100 milliards de dollars d’investissement dans l’amont, le ministre de l’Énergie parle de 100 milliards de dollars dans les énergies renouvelables, le ministre des Travaux publics avance 60 milliards de dollars dans les infrastructures, le PDG de Sonelgaz cite 36 milliards de dollars pour éviter le délestage, le ministre de l’Habitat parle de plusieurs dizaines de milliards pour 2 à 3 millions de logements et sans compter les autres secteurs. Mais où trouver ces centaines de milliards de dollars en cas de fléchissement du cours des hydrocarbures ? Peu de candidats abordent le problème de la rentabilité des réserves de change placées à l’étranger (86% sur 192 milliards de dollars), des réserves énergétiques et surtout l’épineux problème des subventions et transferts sociaux qui ont totalisé 70 milliards de dollars en 2013, soit 70% du produit intérieur brut. C’est toujours l’ancienne culture fondée sur l’illusion de la rente des hydrocarbures éternelle : dépenser sans compter. Le discours de vérité s’impose. Il faudra promettre des sacrifices et des larmes, pour un sacrifice partagé si l’on veut mobiliser la population algérienne supposant une moralité sans faille de ceux qui dirigeront la Cité. L’Algérie risque de connaître, en cas de non-changement de cap de la politique socio-économique, une thérapeutique pire que celle qu’a connue la Grèce avec des mouvements de contestations sociales qui iront en s’amplifiant et que ne résoudra en aucune manière la répression. Jamais élection présidentielle n’aura fait couler tant d’encre puisque, selon mes informations, ni les États-Unis d’Amérique ni l’Europe, à travers la France qui par le passé cautionnaient tel ou tel candidat, ne veulent prendre franchement position. Ils sont d’ailleurs très inquiets d’une éventuelle déstabilisation de l’Algérie qui du fait de sa position géographique et à la lumière notamment de ce qui se passe à ses frontières (plus de 5 500 km) déstabiliserait tout le continent Afrique avec des incidences au Moyen- Orient. Même au niveau de l’état-major de l’ANP et des forces de sécurité, qui depuis l’indépendance politique à 2009 , contrairement à certains faux discours auxquels personne ne croit, cautionnaient directement ou indirectement tel ou tel candidat, la majorité silencieuse, à ne pas confondre avec telle ou telle personne qui affiche une position partisane, mais en tant qu’institution stratégique, pour la première fois, observe avec in-quiétude et dans un esprit patriote préoccupé par l’avenir de l’Algérie. D’ailleurs, il devient urgent d’aborder le sujet, sans passion et avec lucidité, du rôle et de la place de l’armée nationale populaire (ANP) et des forces de sécurité, ayant en leur sein une majorité de femmes et d’hommes de très haut niveau, au sein d’un État de droit et d’une démocratisation progressive tenant compte de notre anthropologie culturelle, comme j’ai eu à le faire dans maintes contributions internationales et locales. À ce titre il y a lieu de mettre en place une loi de programmation militaire sur cinq années, y compris la DGSN, afin d’accroître l’efficacité des dépenses militaires, normes qui répondent à la rationalisation des choix budgétaires.
Enjeux géostratégiques
Dans le domaine international, devant éviter l’illusion de s’enfermer sur soi, en promettant le retour à l’étatisme intégral, la majorité des candidats n’aborde les enjeux géostratégiques qui se dessinent à l’horizon 2017-2020 tant sur le plan politique, militaire qu’économique, configuration qui aura un impact sur le devenir de l’Algérie dont les tensions au niveau du Sahel. À titre d’exemple, peu de candidats évoquent les implications de l’Accord d’association qui lie l’Algérie à l’Europe, applicable depuis le 1er septembre 2005, l’Algérie ayant eu un répit de trois années, le tarif douanier zéro étant prévu en 2000. Comment donc mettre en place des entreprises compétitives en termes de coût-qualité à cet horizon ? Il en est de même de l’Accord futur qui sera encore plus contraignant de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui interdit tout monopole et toute dualité des prix, notamment de l’énergie. Dans le cadre des relations internationales, quelle est la position des candidats, concrètement, vis-à-vis de l’intégration du Grand Maghreb et plus généralement de l’Afrique du Nord, pont entre l’Europe et l’Afrique, à enjeux multiples dont les avantages comparatifs de notre pays à terme devant s’inscrire dans cet espace euro-méditerranéen et euro-africain? Sur le plan de la politique socio-économique interne, toute trajectoire impliquera de poser le problème fondamental : quel est le rôle futur de l’État dans le développent économique et social dans le cadre de la mondialisation ? Comme si c’était un péché originel, n’existant pas d’économie de marché spécifique qui est caractérisée par la dominance du secteur privé productif, le secteur d’État devant évoluer dans un cadre concurrentiel, aucun candidat n’aborde franchement un programme daté de la démonopolisation et de la privatisation. Processus complémentaire permettant la transition vers l’économie de marché et la croissance économique conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. À ce titre, le développement futur impliquera forcément deux conditions : la mise en place d’institutions opérationnelles permettant l’instauration d’un État de droit et une nouvelle gouvernance. La seconde condition est la réforme de l’école du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle donnant le primat de la connaissance sur la distributionpassive de la rente des hydrocarbures sans contreparties productives. À ce titre, peu de candidats évoquent l’urgence d’une nouvelle politique de l’emploi et des salaires qu’il s‘agit de distinguer des traitements. Le problème qui se pose pour l’Algérie est le suivant : peut-on continuer dans la voie actuelle de privilégier les infrastructures qui concentrent la majorité de la dépense publique, environ 70%. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr, pour savoir que sans gouvernance, la facilité est de dépenser sans compter, clés en main, grâce à une ressource non renouvelable, les hydrocarbures, et même un analphabète pourrait faire ce travail. Le plus difficile est d’initier le management stratégique afin de suivre les projets, de réduire les coûts, d’améliorer la qualité des ouvrages, de favoriser l’intégration, condition d’un développement durable. Le secteur industriel, composé à plus de 90% de PMI-PMI peu initiées au management stratégique et à la concurrence internationale, représente moins de 5% du produit intérieur brut. C’est la dominance de la tertiarisation de l’économie, représentant plus de 85% du tissu économique, mais en majorité de petits commerces- services, avec la dominance de la sphère informelle marchande dépassant 50% du tissu économique global (contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation avec une intermédiation financière informelle) où se cote le dinar qui, au cours des trois derniers mois, de janvier à mars 2014, est passé de 140 dinars un euro à 155 dinars un euro. Les discours euphoriques ne doivent pas cacher l’amère réalité : après 50 années d’indépendance, l’Algérie n’a pas d’économie : l’économie algérienne est donc en 2014 une économie fondamentalement basée sur la rente des hydrocarbures. Peu de candidats abordent l’essence réelle du pouvoir bureaucratique qui produit la sphère informelle et la corruption, le volet de la régionalisation économique à ne pas confondre avec le régionalisme rentrant dans le cadre de la réforme de l’État et des collectivités locales. Et d’une manière générale, s’impose la mise en place de l’uniformisation des mécanismes, où existent plusieurs structures qui se télescopent, l’efficacité, le contrôle démocratique et la réhabilitation des institutions gelées comme celle du Conseil national, seul habilité à tracer la politique énergétique, du Conseil national de la concurrence qui combat toute forme de monopole, de la Cour des comptes qui doivent être non sous la tutelle de l’exécutif, mais des organes indépendants. Et ce dans les faits, l’Algérie ayant les meilleures lois du monde, mais rarement appliquées faute de contrepoids démocratiques.
Transition énergétique
Or, au niveau énergétique, 98% des recettes provenant des hydrocarbures et important 70/75% des besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%, peu de candidats abordent la transition énergétique. Les impacts sur l’avenir de l’Algérie sont lourds de conséquences. Notamment l’introduction du pétrole- gaz de schiste en termes de coûts, sur la détérioration de l’environnement par la fracturation hydraulique (a-t-on prévu la formation appropriée ?). L’Algérie va à terme vers une pénurie degaz traditionnel, car les réserves se calculent par rapport au vecteur prix international/coût largement influencé par la concurrence internationale et d’autres sources d’énergie. Comment peut-on programmer plus de 2 millions de logements selon les anciennes méthodes de construction forte consommatrices de ciment, de ronds à béton et d’énergie alors que les nouvelles méthodes permettent une économie de plus de 30%. L’on peut découvrir des milliers de gisements non rentables par rapport au vecteur prix international, Hassi R’mel et Hassi Messaoud ayant épuisé environ 45/50% de leurs réserves. La rentabilité au prix constant 2013 pour les GNL doit être de 15/16 dollars le MBTU et de 9/11 dollars pour les canalisations. Force est de constater que l’Algérie perd de plus en plus des parts de marché étant passées de 13/14% du marché européen entre 2009 et 2010 à 9% en 2013. Selon Africa Energy Intelligence du 2 novembre 2013, le méga-champ gazier d’Hassi R’mel connaît une baisse sensible de sa production, faute de travaux de développement et d’entretien. Les exportations algériennes de gaz seraient passées de 60 milliards de m3 en 2007 à 52 milliards de m3 en 2011 et 55 milliards en 2012 et encore moins selon certaines sources pour 2013 entre 45 et 47 milliards de mètres cubes gazeux, alors que la consommation intérieure a été d’environ 35/37 milliards de mètres cubes gazeux. Les réserves de gaz traditionnels ne sont pas de 4 500 milliards de mètres cubes gazeux, estimation de BP de l’année 2000 non actualisée, mais seraient inférieures à 3 000 milliards de mètres cubes gazeux en 2013 (moins de 2% des réserves mondiales). Ainsi sont effectivement posées à la fois les limites des réserves de pétrole exploitables, en termes de prix concurrentiel (en cas de non-découvertes rentables substantielles), estimées en 2012 à 12 200 000 000 barils (0,8% des réserves mondiales). Si l’on estime, à compter de 2012, une production de 2,2 à 2,4 millions de barils jour, se proposant d’exporter 1,6 million de barils/jour, donnant environ 800 millions de barils annuellement, la durée de vie serait de 15 années, soit 2027, avec ce paradoxe que l’Algérie ayant importé en 2013 au prix international 3,5 milliards de dollars de carburants livrés sur le marché intérieur à un prix subventionné. En Algérie, où en 2017 la consommation intérieure risque de dépasser largement les exportations ayant doublé les capacités d’électricité à l’horizon 2017 à partir des turbines de gaz allant vers plus de 70/75 milliards de mètres cubes gazeux, dépassant les exportations actuelles qui peinent à atteindre 50/55 milliards de mètres cubes gazeux, l’on devrait arriver, sauf découvertes exceptionnelles, à un coût compétitif à un épuisement à l’horizon 2030 pour le gaz traditionnel, devant produire plus de 155 milliards de mètres cubes gazeux annuellement, si l’on veut exporter 85 milliards de mètres cubes gazeux. À court et moyen terme doit être pris en compte la concurrence du Qatar, de la Libye, de Gazprom avec le North et le South Stream, qui contourne l’Ukraine (120 milliards de mètres cubes gazeux, expliquant le gel du projet Galsi, 8 milliards de mètres cubes gazeux pour un coût qui est passé de 2,5 à plus de 4 milliards de dollars donc non rentables au vu du prix actuel, 15% plus cher que le South Stream russe.Par ailleurs, avec la révolution du pétrole-gaz de schiste, le marché américain représentant 20% (15/20 milliards de dollars par an selon les cours) des recettes de Sonatrach qui devra impérativement à l’horizon 2017 avoir d’autres marchés. Ce qui n’est pas dû seulement à des difficultés d’approvisionnement après l’attaque terroriste de Tiguentourine, représentant 18% des exportations de gaz pour un chiffre d’affaires évalué à environ 4 milliards de dollars. Mais pose la problématique des subventions qui, intenables à terme, impliquant un large débat national, expliquent la forte consommation intérieure avec ce paradoxe que la consommation des ménages étant plus élevé que celle des segments productifs expliquant la désindustrialisation du pays.
Ajustements économiques et sociaux douloureux
En résumé, aucun responsable politique, la fuite en avant, n’ose parler d’un risque majeur. En effet, 70% du pouvoir d’achat des Algériens dépend de la rente des hydrocarbures. Les taux d’intérêt bonifiés dans ce secteur qui tendent à se généraliser ne peuvent continuer que si le cours des hydrocarbures se maintient à un niveau élevé, l’Algérie de 2010/2014 fonctionnant sur la base d’un cours du baril supérieur à 100/110 dollars, sinon l’on risque de se retrouver avec une bulle immobilière comparable à celle des USA, car les emprunteurs ne pouvant pas rembourser à la fois la fraction du capital et les intérêts composés en cas de chute du cours des hydrocarbures avec des risques de faillite des banques primaires. La population algérienne désabusée, avec une jeunesse consciente, ne croit plus en des discours démagogiques et des promesses sans lendemain. Entre 2015 et 2025, l’Algérie connaîtra certainement des tensions budgétaires. C’est terminé l’euphorie des recettes de Sonatrach de 665 milliards de dollars en devises entre 2000 et 2013, comme c’est fini l’euphorie de la dépense publique de plus de 630 milliards de dollars ( équipement et fonctionnement) entre 2000 et 2013 avec un impact mitigé, 3% de taux de croissance essentiellement tiré par la dépense publique via les hydrocarbures alors qu’il aurait dû dépasser 10%. Le taux de chômage officiel est fictif avec la dominance des emplois rentes, le taux d’inflation est compressé artificiellement par les subventions via la rente des hydrocarbures. L’Algérie est à la croisée des chemins avec tous les scénarios possibles, car son devenir est l’après-17 avril 2014 avec des ajustements sociaux inévitables, notamment par la réduction de la dépense publique qui touchera en premier lieu la fonction publique. Mais ces ajustements peuvent être tempérés et le redressement national de l’Algérie est possible, sous réserve du renouveau de la gouvernance, de l’État de droit, du primat de l’entreprise créatrice de richesses publiques ou privées, la connaissance et la moralisation de la vie politique et économique.
Dr Abderrahmane Mebtoul,expert international
Source : Les Afriques
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